# Le projet scientifique

## Les enjeux


Les recherches sur l'histoire récente des sociétés, sur l'histoire du paysage ou du climat reposent toutes sur des données rattachées à un référentiel cartographique précis. C'est à partir du XIXº siècle (dès le XVIIIº siècle dans certaines régions pionnières d'Europe) que se systématise la cartographie de l'espace à des échelles précises (généralement le 1/2500º). En revanche, avant cette cadastration systématique des territoires, la rareté et l'hétérogénéité de la documentation cartographique constituent des freins considérables à la modélisation des phénomènes spatiaux anciens. En effet, l'Historien est confronté, selon le territoire qu'il étudie, soit à une rareté (voire une absence complète), soit à une extraordinaire profusion de données spatialisables. Dans ce second cas de figure, cette profusion est aussi préjudiciable puisqu'elle rend impossible l'utilisation de ces données en l'absence d'un instrument de traitement informatique.

[fig. 1] " Plan terrier de Montpezat (82), vers 1770 "
Dans la masse documentaire offerte aux historiens et aux archéologues pour reconstituer les dynamiques paysagères médiévales et modernes, il est une catégorie de sources particulièrement riches en données spatialisables : les terriers et les compoix. Ces documents à caractère fiscal, généralement conservés sous la forme de registres, peuvent être considérés comme les ancêtres du cadastre actuel. Présent aussi bien en France que dans le reste de l'Europe, ce type de source offre une palette de données spatiales très large. L'absence d'un référent cartographique rend très complexe l'usage et le traitement de la masse d'informations spatiales qu'enregistrent compoix et terriers. Les parcelles, décrites par le menu, sont en effet positionnées dans l'espace par indication des voisinages, et décrites par des attributs comme la surface, l'orientation, le type de culture, la micro-toponymie... Nous disposons, pour la France seule de plusieurs dizaines de milliers de registres jusqu'au XVIIIº s, dont les plus anciens remontent au XIIIº s.
[fig. 2] " Extrait du compoix de Mouret (12), 1451 "
Actuellement, le traitement de l'information spatiale des terriers et compoix est le fait d'initiatives individuelles, développant des solutions ponctuelles et " artisanales ", où le caractère dynamique est peu présent (nombreux exemples dans BRUNEL et alii 2002, mais aussi dans PORTET 2006). Le colloque de Rome de 1985 (BIGET 1989) constitue sur cette thématique un jalon pionnier et essentiel de la recherche. Les constats que nous faisons aujourd'hui y sont déjà présents, mettant l'accent sur la nécessité de créer un outil capable de gérer la masse des données spatiales présentes dans les cadastres urbains médiévaux. Un article envisage même dès cette époque la possibilité de l'utilisation d'un objet mathématique, les graphes, pour accélérer le processus de reconstitution des parcellaires urbains médiévaux à partir des compoix (MONTPIED, ROUAULT 1989). Ce projet était déjà exprimé dans un court article de la revue Le médiéviste et l'ordinateur (MONTPIED, ROUAULT 1982). Cette tentative n'a toutefois pas pu être menée à terme, car les obstacles technologiques étaient à l'époque insurmontables. L'expérience proposée s'est alors essentiellement limitée à la construction du graphe (les parcelles sont réduites à un point et deux parcelles voisine correspondent à deux sommets voisins dans le graphe), puis à des repérages simplement visuels " d'accidents topologiques " sur le graphe : la création d'une base de données relationnelle, le processus automatique d'analyse de la structure de ces graphes, la prise en compte de leur dimension topologique étaient en effet impossibles, car non seulement la recherche théorique sur la topologique des graphes n'étaient alors pas aboutie, mais encore les auteurs ignoraient les systèmes d'information géographique (SIG). A notre connaissance, aucune avancée n'a été proposée sur le sujet depuis le colloque de Rome de 1985, bien que les recherches les plus récentes soulignent cette carence technique (LETURCQ 2007, POIRIER 2007, TRUEL 2007). D'importants programmes de recherche sur les dynamiques spatiales des territoires ont été menés en France et en Europe depuis les années 1980. Des projets, comme Archéomédes ou Archaedyn (http://archaedyn.blogspot.com/) par exemple, ont croisé des paramètres environnementaux, archéologiques et historiques en passant par leur géoréférencement dans un SIG. Il convient toutefois de souligner que ces projets n'ont pas pris en compte les sources écrites sérielles (compoix et terriers) comme nous proposons de le faire. ### Enjeux sociétaux, environnement et économiques : Compoix, terriers, cadastres médiévaux et modernes... constituent potentiellement une base immense de renseignements permettant de comprendre la dynamique des territoires anthropisés sur la longue durée, que ce soit dans un cadre urbain ou rural : histoire des paysages, dynamique du peuplement et de l'aménagement des territoires, modélisation de l'évolution du climat... La comparaison géoréférencée de ces sources non cartographiées non seulement entre elles, mais encore avec des sources cartographiques plus récentes (plans terriers modernes et cadastres napoléoniens), est un enjeu important pour aider à : - la gestion durable des territoires, notamment dans l'exercice de prospective qui repose en partie sur la capacité à modéliser les dynamiques hommes/milieu. Ces dynamiques sont en partie les résultats de processus qu'il est ici question de révéler dans leurs dimensions multiscalaires et multitemporelles (C'est une des interfaces avec le LTER cité ci-dessous). - la gestion du patrimoine historique et archéologique. Plusieurs expériences actuelles démontrent l'intérêt de la modélisation de ces sources dans le cadre des recherches en archéologie préventive en milieu urbain (CATALO, 1996, HAUTEFEUILLE 2002). Il est certain qu'un outil tel que celui que nous envisageons de créer permettrait d'alléger le coût des phases de sondage diagnostic dans le cadre de cette archéologie préventive (INRAP, Institut National de la Recherche Archéologique Préventive). Par ailleurs, l'analyse précise des compoix, terriers et cadastres anciens permet de mieux cerner l'ensemble du patrimoine d'une commune. Ce sont des outils susceptibles d'être directement utilisés dans le cadre de valorisations patrimoniales (exemple : programme "Pentes de la Vésubie" soutenu par le Conseil général des Alpes Maritimes et du Conseil régional PACA, http://www.paca.ecologie.gouv.fr/docHTML/atlas-enr06/). ## Les objectifs Le projet MODELESPACE a pour objectif de faire sauter un verrou technique en élaborant un outil susceptible d'autoriser la comparaison de documents fiscaux d'époques différentes, mais décrivant par le menu le même territoire. Cet outil repose sur l'exploitation d'un objet mathématique (graphe) corrélé à une base de données spatiales intégrée à un système d'information géographique. Dans ce projet, des historiens, des archéologues, des mathématiciens et des géomaticiens intégrés dans trois équipes de recherche françaises seront amenés à collaborer pour réaliser cet outil. L'ambition de ce projet est d'améliorer nos connaissances sur les dynamiques spatiales depuis le Moyen Age central en développant un outil permettant d'envisager des comparaisons entre des documents de natures différentes : les plans et les registres fiscaux pré-révolutionnaires. Le point de départ est un problème concret couramment rencontré par les historiens des paysages et des sociétés : la difficulté d'exploiter, dans les terriers, compoix et cadastres médiévaux et modernes, une masse considérable d'informations spatiales qui ne sont pas géo-référencées. Concrètement, il s'agit par exemple de pouvoir comprendre la dynamique d'un vignoble compris dans son intégralité, et non par le filtre de centaines de parcelles de vignes prises unes à unes, sans compréhension globale. Ce problème est ancien. à ce jour, il n'a été contourné que très ponctuellement, grâce à des initiatives individuelles et à l'aide de méthodes empiriques ne s'appliquant qu'à un document spécifique (nombreux exemples dans BIGET 1989 et BRUNEL 2002). La compréhension de la structure de la société rurale médiévale et moderne s'appuie sur une documentation parfois importante mais généralement dénuée de référence géographique précise. Les grandes thèses classiques d'histoire rurale reposent sur des représentations souvent très générales de l'espace. A cette approche s'oppose la micro-histoire qui a démontré tout son intérêt pour pénétrer au cœur du fonctionnement des communautés (LETURCQ 2007). Une part majeure de l'économie pré-industrielle est liée à l'activité agricole et est donc indissociable de la terre. C'est pourquoi l'absence de données cartographiques et cadastrales constitue un frein considérable au développement de ces études. Sans carte, on peut au mieux proposer une approche statistique de données sérielles. Le géoréférencement des données permet d'en affiner considérablement l'analyse. Il devient possible d'appréhender les mécanismes de gestion d'un espace agraire ou les interactions entre plusieurs communautés. De même, en milieu urbain, il devient possible d'analyser les processus de formation d'un paysage construit en prenant en compte l'ensemble des nuances inhérentes à l'hétérogénéité d'une ville médiévale ou moderne (DEMAILLE, 2000). L'approche que nous adoptons ne vise pas une reconstruction fine d'un parcellaire à partir d'un registre. De façon générale, nous ferons le choix non pas de reconstruire un plan parcellaire à partir de chaque registre, mais plutôt de modéliser, par le biais de la théorie des graphes, les informations spatiales présentes dans chaque compoix ou terrier renseignant un territoire afin de pouvoir mettre en évidence les dynamiques spatiales. En effet, la transformation semi-automatisée de chaque document renseignant un même territoire en graphe permettra d'appréhender la structuration de l'espace à une échelle comparable (unité de base = parcelle), d'envisager des comparaisons dynamiques, et d'appréhender des territoires plus vastes et donc plus représentatifs. L'utilisation d'un SIG permettra le plongement de ces graphes sur le support cartographique que constituent les cadastres. Pour arriver à notre objectif, de nombreux obstacles devront être levés. ### Verrous scientifiques et techniques à lever : - L'historien travaille avec une documentation très hétérogène. Si certains notaires s'évertuent à décrire par le menu chaque parcelle, détaillant systématiquement l'orientation approximative, la superficie, mais aussi les noms des voisins de la parcelle sur ses quatre confronts, avec la mention d'un ou plusieurs microtoponymes..., d'autres scribes se contentent de livrer plus ou moins chichement des informations sur ces parcelles. Il faut encore noter que la nature même de la documentation (prélèvement foncier pour les terriers, prélèvement de l'impôt pour les compoix) entraîne des lacunes importantes. Si une seigneurie est fortement émiettée, le terrier ne détaillera pas un territoire uniforme, mais un nuage de parcelles dispersées au sein d'un territoire, rendant parfois impossible la création d'un graphe représentant une matrice d'adjacence ; de la même manière, comme la taille (l'impôt) est exclusivement levée sur les terres réputées roturières, l'ensemble des terres réputées nobles, par exemple, seront absentes du document, faisant apparaître des trous dans le graphe d'adjacence. L'une des caractéristiques que l'outil devra posséder, c'est une adaptabilité à des sources diverses. La phase finale de validation de l'outil devra permettre d'établir les performances de l'outil selon la qualité de l'environnement documentaire. - La question de la géolocalisation précise de l'information pose problème, dans la mesure où l'information spatiale des terriers et compoix ne renvoie que rarement à des plans ; ces derniers sont parfois présents au XVIIIe siècle, plus rarement au XVIIe siècle, très exceptionnellement avant. De toute façon, même en ayant la chance de disposer d'un plan permettant d'installer l'information dans un territoire, l'approximation géométrique, voire la grossièreté géométrique de ces plans, rend difficile la comparaison avec l'état cadastral le plus ancien, celui de la première moitié du XIXe siècle (cadastre dit " napoléonien "). Les géomaticiens butent actuellement sur la difficulté de géoréférencer précisément ces plans anciens plus ou moins schématiques ; la démarche régressive d'analyse des paysages s'en trouve considérablement affaiblie (POIRIER, 2007). ## Méthodologie envisagée L'idée qui sous-tend la collaboration des trois laboratoires réunissant des historiens, des mathématiciens et des géomaticiens est d'aider à dépasser cette entrave. Plutôt que de tenter de reconstruire un parcellaire à partir de registre en se basant sur les plans les plus anciens, nous proposons de transformer les registres en graphes considérés alors comme les graphes duaux de parcellaires (cf le détail des tâches). La question du géoréférencement de ces graphes est une question nouvelle dans la communauté scientifique concernée. L'objectif est la compréhension de l'espace et de ses transformations, plus que sa représentation. La première phase du projet s'articulera autour de deux directions. Nous réaliserons une base de données à partir des registres fiscaux, puis nous basculerons le plus ancien plan cadastral disponible vers un SIG. Pour cela, il sera nécessaire de le géoréférencer et de le vectoriser. Dans un second temps, nous envisageons de créer un graphe dual des parcelles décrites dans les registres fiscaux. Chaque parcelle constituera un sommet du graphe. Les liens de voisinages (confronts) serviront à construire les arêtes. Une fois le graphe construit, la phase clef de cette intégration sera le géoréférencement des sommets de ce graphe qui autorisera automatiquement la superposition avec des cadastres récents.
Fig 3 " Principe de construction d'un graphe de parcelles à partir d'un plan terrier "
La base de ce géoréférencement sera l'utilisation de ce nous désignons par " trous structurants " du graphe de lieux. Un trou du graphe peut correspondre à un chemin non décrit dans le compoix ou terrier, il peut correspondre aussi comme nous l'avons déjà remarqué à un bien noble non soumis à l'impôt. Une analyse fine de la nature de ces accidents topologiques du graphe repéré automatiquement par les mathématiciens devra être opérée à ce stade de l'étude. Pour chacun d'eux, il s'agira de définir ceux qui sont structurants dans le temps pour le parcellaire : rivière, chemin, église, '. L'analyse des microtoponymes sera bien sur mise à contribution. Il sera sans doute nécessaire de passer par un graphe des toponymes pour construire la colonne vertebrale du graphe des parcelles. En s'appuyant sur les outils mathématiques que sont les graphes (topologiques ou combinatoires), il s'agira de mettre en place une chaîne opératoire qui permettra d'aboutir à la comparaison de données issues de registres fiscaux (non géo-référencées) et de plans. Les verrous principaux se situent à trois niveaux : - désambuiguisation et formatage des données issues des registres et des plans, - définition de l'objet mathématique correspondant à la modélisation d'un registre ou d'un plan - dans un territoire géographique donné, recalage de ces objets par rapport à des invariants (cours d'eau, bâtiments remarquables...). L'expérience passée du programme ANR Graph-Comp, dans lequel FRAMESPA et IMT collaborent, démontre la nécessité d'allers-retours incessants entre historiens et mathématiciens pour permettre une bonne définition et une exploitation pertinente de l'objet mathématique. Ainsi, par exemple si parcelles, lacs, chemins, ruisseaux sont les briques de base d'un objet mathématique représentant un territoire, ces briques doivent-elles être de nature différente ou identique ? Comment, dans l'objet topologico-combinatoire construit, introduire des paramètres descriptifs des parcelles ? Selon les choix qui seront faits conjointement, la définition même de l'objet mathématique variera. L'expérience montre que les choix devront être faits suffisamment tôt, lors de la conception des grilles de saisie des compoix et terriers. L'évaluation de la chaîne opératoire pourra se faire grâce aux résultats de modélisations manuelles de petits territoires qui ont déjà été effectués : commune de Viodos (projet LTER coweeta, HAUTEFEUILLE, PALU 2008 ) et commune de Mouret (HAUTEFEUILLE 2006), ou à travers des secteurs très largement pourvus en plans dès le XVIIème siècle. La structuration du projet va se faire autour de trois équipes, les UMR FRAMESPA, CITERES-LAT et IMT. Ces trois équipes ont déjà plusieurs programmes communs à leur actif, expérience qui garantit une certaine fluidité à l'organisation de ce projet. L'objectif final est d'arriver à proposer une méthode et un outil permettant d'étudier des dynamiques spatiales et sociales à travers les sources fiscales de type terrier et compoix. Nous partons donc de séries de registres et de plans qui génèrent par essence des données de natures différentes. Il faudra construire un outil mathématique issu de la modélisation de ces différentes sources permettant d'approcher les dynamiques spatiales. Pour cela il convient dans un premier temps de donner une description rapide des sources, point de départ du projet. Nous prendrons pour exemple un article issu d'un compoix de la fin du XVIº s. Ce document comporte environ 9000 articles de ce type. Chaque article correspond à une parcelle.
Extrait d'un compoix AC Castelnau-Montratier (46), compoix de 1598, vol 1, fol 6 vº Jehan de Bouviers tient un jardin au dessous du Taluc, paroisse de Castelnau, confront d'une part chemin tendant du dit Taluc à Sainte Quitterie, d'autre part à chemin tendant de Castelnau à Molières passant par la portanelle, d'autre part à jardin de Raymond Pons chirurgien contenant 3 quartons 1/4 Item un près à la Rivière de Lupte paroisse du dit Castelnau confront du chef a terre de Maître Mathieu Vielhevigne, d'un coté à terre et pré de Josué de Lobradou, du fonds avec le dessuge de la dite rivière, d'autre côté a pred de Guillaume Clary contenant 2 quartons 2/4
Chaque parcelle d'une communauté est décrite de la sorte avec plus ou moins de précisions. Dans le cas du premier bien décrit (jardin), il manque très certainement au moins un confront et aucune orientation n'est fournie. Il s'agit d'un compoix assez imprécis, mais sans doute assez représentatif de l'ensemble. Dans " Les cadastres anciens des villes " (BIGET 1989 , p. 203) E Carpentier cite l'exemple de Orvieto en 1292 avec une moyenne de confronts entre deux et trois due peut être à une ordonnance limitant le nombre de mentions à 2 ou 3 pour ne pas surcharger le cadastre. De manière générale, lorsque l'on pénètre dans le document, et ce, quelle que soit la période, Moyen âge ou époque Moderne, on peut distinguer trois types d'informations : 1. les données purement fiscales qui constituent pour les concepteurs de la source l'objectif premier et le motif de la réalisation de la source. Il s'agit pour les terriers d'un cens ou de diverses redevances foncières, et pour les compoix de ce que l'on appelle généralement l'allivrement qui correspond à la valeur fiscale de la parcelle utile pour la levée de la taille royale. D'autres informations de nature fiscale peuvent apparaître dans certains compoix sans que cela soit systématique. Il s'agit du cens (redevance foncière), et éventuellement d'autres charges, qui grèvent telle ou telle parcelle. Pour des raisons qu'il serait trop long de commenter ici, ces données sont relativement peu exploitées. On constate d'ailleurs que ces valeurs sont de la même manière peu exploitées par les historiens contemporanéistes qui travaillent sur les cadastres napoléoniens. 2. les données descriptives qui touchent deux sous-catégories, les individus et les bien meubles ou immeubles. Sur les individus, on dispose évidemment de la liste nominative des propriétaires, mais aussi parfois des métiers, des lieux de résidence, des liens familiaux (femme, veuf, héritier de...), du statut social etc. Sur les biens-fonds, nous disposons d'une description plus ou moins précise de chaque parcelle fiscale. Cela nous fournit, au pire, le type de parcelle (terre labourable, vigne, maison, friche...), avec un champ lexical très large, au mieux des données sur le toponyme associé à la parcelle, ses dimensions, son état (maison en ruine, champ infertile...), la qualité de son sol, la nature des bâtiments (maison, grange, mas, boutique...), avec parfois jusqu'au type de toiture (tuile, paille, bois) et le nombre d'étages, de portes et de fenêtres. Les informations sur les biens meubles (le cabal des compoix méridionaux) sont beaucoup plus rares, mais permettent de compléter les données sur les patrimoines familiaux. Ces données sont dans l'ensemble au coeur des recherches récentes, lorsque celles-ci ne portent pas exclusivement sur les aspects fiscaux. 3. les données spatiales constituent le troisième élément fourni par les registres. En effet chacune des unités fondamentales que constituent les parcelles fiscales dispose d'un certain nombre d'informations permettant de les localiser dans l'espace. Lors de l'utilisation de la source par les seigneurs ou les communautés, il fallait évidemment que l'on puisse savoir à quel endroit se situaient les biens décrits. L'absence de plans avant le XVIIIº s. a induit des processus de descriptions stéréotypés, malgré des nuances assez fortes dans l'espace et dans le temps. Ces localisations reposent sur une série d'informations plus ou moins précises, parmi lesquelles on trouve la mention de parcelles voisines, le nom d'un lieu-dit, d'une paroisse, ou d'une subdivision territoriale quelconque (gâche, quartier, mazage...). Dans le cas de communes ou de seigneuries ne disposant que d'un unique registre de ce type, l'objectif est de pouvoir obtenir une comparaison entre ces registres et le plus ancien plan cadastral dont nous disposons (le plus souvent le cadastre napoléonien du début du XIXº s.). Dans la mesure où nous disposons fréquemment de plusieurs registres successifs pour un seul et même territoire, l'objectif se complexifie puisqu'il conviendra alors de pouvoir établir des comparaisons non seulement avec le plus ancien plan, mais aussi entre les différents registres eux-mêmes. On pourra considérer que le projet sera une réussite si nous parvenons à construire un modèle mathématique, intégrable à un SIG et permettant d'aboutir à l'étude des dynamiques spatiales. L'objectif terminal est de définir toute la chaîne opératoire permettant d'aboutir à ce SIG.. Nous espérons ainsi, à partir de ces sources, pouvoir proposer une procédure permettant de mettre en évidence les dynamiques entre les données de deux documents non contemporains, mais couvrant une même aire géographique. Cette procédure devra pouvoir être adaptée facilement à tout type de compoix et terrier. La contrainte de base est l'existence des confronts permettant de construire le graphe planaire des parcelles. Le livrable final comportera donc - une grille de saisie informatique des sources adaptée à notre problème - une méthode pour transformer ces bases de données en graphes - une méthode permettant un géoréférencement de ces graphes et leur intégration dans un SIG - des outils permettant d'appréhender les dynamiques spatiales entre les différents documents.